Doc 1 - Un parcours : Georges Delrieu, un « Français libre »
« Bien très chers Ma et Pa,
Je suppose que vous avez mon mot hâtif de Bayonne écrit avant mon
embarquement pour l’Angleterre.
Je dois vous expliquer comment je suis parti de Fontenay [ville de la banlieue parisienne], douze heures seulement avant l’arrivée des Boches [...]. Nous sommes arrivés se matin sans une seule mauvaise rencontre... Bien fatigués toutefois !
Comme vous avez pu le voir la France est réduite de plus de moitié
et ceux qui restent sont entièrement à la merci des Boches et forcés
de travailler contre la France même [...]. Je viens à l’instant encore
de lire les clauses de l’armistice et même les colonies, si elles ne sont
pas accaparées, sont isolées de la métropole ; et l’Allemagne [...] se
réserve bien, après s’être débarrassée des Anglais, le droit de les
empocher avec l’Italie. Vous voyez donc la situation tragique dans
laquelle se trouve la France après avoir accepté cet armistices qu’elle
aurait dû rejeter.
Il est vraiment dommage que tous les Français [...] ne se rendent pas
compte maintenant de ce que peut arriver plus tard ! Je vois tous les
soldats sont contents ou presque de cet armistice mais plus tard ils
verront leurs erreurs et réagiront, je l’espère.
Quant à moi, je suis maintenant ici avec les Français [...] qui
n’acceptent pas un tel sort pour la France, nous allons former un
corps français et nous battre avec les Anglais qui seuls peuvent
désormais nous sauver. Et, croyez-moi, que le temps sera peut-être
long mais la victoire viendra. Heureusement encore que des chefs
comme le général de Gaulle restent encore. L’honneur n’est pas tout
à fait oublié.
Je ne crois pas pouvoir vous donner d’adresse. Soyez tranquilles à
mon sujet. Tout ira bien [...]. Je vous quitte maintenant en vous
priant d’embrasser la famille et pour vous je réserve mes plus gros et
tendres poutous. »
Lettres de Georges Delrieu à ses parents, écrite à Liverpool et datée
du 30 juin 1940, archives familiales.
Georges Delrieu, footballeur professionnel, 1919-1940, embarque le 21 juin 1940 pour l'Angleterre, puis combat au sein des FFL en Afrique et en Italien. Il meurt au combat le 5 juin 1944. Il est fait compagnon de la Libération.